Sten Lundin

    Pilote international 19/06/2014

    dit Storken

    Rédacteur : Dilhat



    Q : Monsieur
    Lundin, pouvez-vous nous présenter notre CV en quelques mots ?



    R : Eh bien j'ai été Champion du Monde
    (NDLR en 500) à deux reprises en 1959 et 1961, et j'ai du me classer dans le
    top 3 pendant 9 ou 10 ans. J'ai aussi été Champion de Suède à trois reprises (ce
    qui est une performance remarquable car les Suédois étaient en nombre aux
    avant-postes des GP à l'époque !) et j'ai également remporté le Motocross des
    Nations avec l'équipe suédoise.





    Q : Combien de
    temps a duré votre carrière de pilote ?



    R : 23 ans ! Une fois ma carrière de
    pilote de Grand Prix achevée, j'ai continué à rouler en cross inters à travers
    l'Europe, et principalement en France, il y en avait beaucoup à cette époque.
    Pratiquement chaque dimanche !





    Q : Quand
    avez-vous débuté le motocross ?



    R : J'ai
    commencé vers 17 ou 18 ans. Ce n'était pas aisé de se lancer à l'époque, même
    si le motocross a commencé à se développer en Suède après la seconde guerre
    mondiale. Ma première moto était une routière, une AJS 350cc. Avec un ami qui
    avait une Triumph nous avons pris l'habitude de rouler dans les bois. Nous
    avons modifié nos machines pour qu'elles ressemblent à des motos de cross, en
    retirant les phares, par exemple. Un jour, nous sommes allés assister à une
    course non officielle à laquelle participait des types avec lesquels il nous
    arrivait de rouler, et ils m'ont proposé de se joindre à eux pour participer à
    cette course. Je me souviens qu'il y avait beaucoup de spectateurs. J'ai
    accepté et finalement cela s'est plutôt bien passé puisque j'ai fini second
    derrière un gars qui avait une 500 alors que moi je n'avais que ma 350. Il
    était plus rapide que moi dans les lignes droites mais j'allais plus vite sur
    les autres portions. Je me suis dit que je pouvais peut-être devenir bon dans
    ce sport et c'est ainsi que tout a commencé ! En 1948. C'étaient les débuts du
    motocross. Pas de suspension arrière et donc il fallait être vigilent sur les
    sauts. Pour ma part, je me rendais sur les circuits avec ma moto, je faisais ma
    course, puis remettais mon paquetage sur le dos et je rentrais chez moi
    toujours juché sur ma machine. C'était ainsi à l'époque ! (Rires).





    Sten sur une machine de tourisme



    Q : Combien de
    temps avez-vous mis pour devenir professionnel ?



    R : Et bien je suis passé pro en 1953.
    C'est à cette époque qu'est apparue la BSA Goldstar, une très bonne machine, et
    j'ai pu m'en acheter une. Peu de gens pouvait se le permettre alors ! Pour ma
    part, j'avais du travailler dur pour me l'offrir. Ma mère n'appréciait guère
    l'idée de me voir rouler en motocross, mais elle avait admis qu'à partir du
    moment où je pouvais me payer une machine, j'étais libre de le faire. J'ai donc
    travaillé comme un damné ! (rires) Pour en revenir à cette Goldstar, j'avais eu
    plusieurs machines avant, mais celle-ci m'a vraiment permis de franchir un palier.
    Je suis devenu un bon pilote au niveau national, en Suède donc. Cela m'a permis
    d'obtenir 3 machines de la part de l'importateur BSA pour la saison 54, en même
    temps que Bill Nilsson (autre double champion du monde Suédois !) et nous
    sommes devenus les premiers pilotes Suédois à tenter notre chance à l'étranger,
    à travers l'Europe. Je me souviens précisément d'une course où je roulais
    particulièrement bien dans des conditions éprouvantes et j'ai commencé à me
    sentir fatigué, et j'ai fini par perdre le commandement au profit d'un autre
    pilote. Et je me suis dit que si je pouvais être aussi rapide, c'était dommage
    de ne pas avoir la force nécessaire pour tenir mon rythme sur l'intégralité
    d'une manche. Et j'ai ainsi arrêté de fumer ! Puis avec Bill Nilsson, nous
    avons commencé à nous entrainer très dur, de manière très professionnelle. Nous
    avons pris exemple sur les skieurs et avons fait beaucoup de ski de fond. Cela
    nous a permis de nous renforcer physiquement et mentalement aussi. Je crois que
    nous avons été les premiers crossmen à nous entrainer aussi sérieusement. Donc
    en 1954, nous sommes allés rouler en Belgique. Les Belges étaient très forts à l'époque, comme les Anglais du reste, et nous avons progressé à leur contact.
    En 1955, j'ai gagné le premier Grand Prix, à Imola (le site rendu célèbre par
    les sports mécaniques, et bien sûr la F1, abritait à l'époque le GP d'Italie
    500) puis un autre dans le sable, en Hollande. C'est ainsi que les GP ont
    commencé pour moi ! C'était plutôt satisfaisant.





    : Vous avez cité votre préparation physique
    comme raison de votre compétitivité, mais y a-t-il d'autres éléments qui
    expliquent la domination du motocross Suédois à cette époque ? Outre Bill
    Nilsson et vous-même, il y avait aussi les Rolf Tibblin (double Champion du
    Monde également), Ove Lundell, Gustavsson ou encore Johansson au sommet de la
    hiérarchie mondiale...?



    R : Oui, je crois que c'est quelque chose qui a
    toujours fonctionné ainsi, il y a un ou deux pilotes qui réussissent, montrent
    l'exemple et c'est une génération de pilote qui prend confiance et se dit
    "moi aussi je peux le faire". Avant nous, il y avait eu les Belges et
    les Anglais, et par la suite il y en a eu d'autres. C'est une affaire
    d'émulation.





    Q : Combien de
    courses couriez-vous à l’époque ?



    R : Une trentaine, dont 12 GP, le MXDN
    et le Championnat de Suède. Le reste, c'étaient des cross inters. Nous
    commencions la saison en mars et la finissions en septembre.





    Sten sur une Gold Star en 1966



    Q : Vous
    semblez avoir eu une carrière très liée à Bill Nilsson, étiez-vous amis ?



    R : Cela n'a
    pas toujours été le cas, car à l'époque, nous étions les deux meilleurs pilotes
    du monde, enfin parmi les meilleurs, car il y avait aussi René Baeten, Ove
    Lundell, ou encore Leslie Archer. Aujourd'hui, nous nous entendons bien, il n'y
    a plus de problème (rires) ! (interview réalisée en 2010)





    Q : Etre un
    pilote de pointe dans les années 50-60, cela vous permettait-il de devenir
    riche ?



    R : Nous ne gagnions pas autant
    d'argent que les champions d'aujourd'hui, mais je crois que cela vaut pour tous
    les sport. En fait, quand j'ai débuté, j'exerçais le métier de plombier Mon
    père pensait que c'était bien d'avoir un hobby, mais qu'il fallait avant tout
    avoir un vrai métier. Puis je me suis mis à gagner plus d'argent grâce au
    motocross qui était aussi ma passion. Je voyageais de par le monde, j'apprenais
    de nouveaux langages. Alors au final, je n'étais pas spécialement riche, mais
    c'était très convenable et je vivais de ma passion. C'était bien mieux que
    d'avoir un travail ordinaire.





    Q : Etiez-vous
    populaire en Suède à cette époque ?



    R : Oui, j'ai reçu quelques
    distinctions dont le titre de sportif Suédois de l'année en 1961.





    Q : Continuez-vous
    de suivre le motocross de près ?



    R : Non ! Je ne connais même plus les
    pilotes de GP actuels. J'ai un peu suivi jusqu'à l'époque de De Coster mais je
    ne regarde plus les Grand Prix aujourd'hui. Je ne reconnais plus ce sport, il
    est tellement différent de celui que j'ai pratiqué !!!





    Q : Qu’est-ce
    qui a tant changé ?



    R : Les suspensions ! Elles permettent
    de réaliser des choses auxquelles nous ne pouvions songer à mon époque. Cela me
    fait penser à du cirque aujourd'hui. Attention, c'est très impressionnant, très
    spectaculaire, et ce que font les pilotes aujourd'hui est bien sûr très
    difficile, mais ce n'est pas la même chose que de mener en course une grosse
    500cc très lourde, comme nous le faisions... Nous devions gérer notre course,
    choisir les bonnes trajectoires, éviter les sauts, les parties défoncées car
    les roues cassaient plus facilement à cette époque. Aujourd'hui, les pilotes ne
    font plus l'effort d'éviter les trous, la mécanique les en dispense...mais je
    continue d'aimer la pratique de la moto. J'aurais roulé aujourd'hui si je
    n'étais tombé malade. J'ai chez moi une Yamaha que j'ai modifiée alors que je
    travaillais pour cette marque. Une HL (Hallman-Lundin) 500. Une assez bonne
    moto !




    Sten sur la moto qu'il a conçue avec Torsten Hallman




    Q : Y a-t-il
    des courses pour motos anciennes en Suède ?



    R : Oui, mais je n'y participe pas !
    Pour ma part, j'ai tourné la page pour ce qui est de la compétition. Les gars
    qui s'y rendent y vont pour gagner et feraient n'importe quoi pour l'emporter.
    Ils modifient les suspensions par exemple et présentent des machines qui n'ont
    qu'une vague ressemblance avec ce qu'étaient les machines d'époques pour les
    rendre bien meilleures... Et pour moi, la course, c'est bien fini, je continue
    d'apprécier le pilotage d'une moto et je prends plaisir à faire quelques tours
    en bonne compagnie , comme j'aurais pu le faire ici, mais pour le reste, je
    crois n'avoir plus rien à prouver pour ce qui est de la compétition !





    Sten en course de motos anciennes




    Q : Bien que vous ayez pris des distances avec le
    motocross actuel, vous devez être surement au courant que la Suède a du mal à
    briller aujourd'hui au niveau international, avez-vous une explication ?



    R : Non, pas vraiment, je me suis posé
    la question. Il y a tant de jeunes pilotes en Suède, mais ils ne sont pas bons,
    ils n'existent pas sur la scène internationale, c'est étonnant... (Gêné) Je ne
    sais pas, c'est dur à dire, mais à notre époque, ce n'était pas facile. Nous
    devions nous débrouiller seuls, je devais me prendre en charge. Aujourd'hui,
    les jeunes arrivent dans de beaux camions, accompagnés de leurs pères... Alors
    que nous devions nous battre pour pratiquer notre loisir, je crois que cela
    nous a donné un supplément de volonté, de force. Cela nous a peut-être aidés,
    notre génération.





    Q : Auriez-vous préféré être jeune pilote
    aujourd'hui plutôt qu'àvotre époque
    ?



    R : Non ! Définitivement non. J'ai eu
    la chance d'être un bon pilote à la bonne période...





    Merci
    beaucoup Mr Lundin, ce fut un immense plaisir et un honneur de converser avec
    vous.







    Palmarès



    Champion
    du Monde 500cc en 1959 et 1961



    Vice-Champion
    du Monde 500cc en 1960 et 1963



    3è
    du championnat du Monde 500cc en 1957, 1958, 1962 et 1964



    3è
    du championnat d’Europe 500cc en 1955



    4è
    du championnat d’Europe 500cc en 1956,



    5è
    du championnat du Monde 500cc en 1965



    Champion
    du Monde 750cc en 1967 (Coupe FIM)



    Vainqueur
    du Motocross des Nations en 1955 et 2è en 1956 et 3è en 1963



    Champion
    de Suède 500cc en 1955, 1958 et 1961





    Photos :
    Avec l’aimable collaboration de la revue MOTO-CROSS d’hier www.motocrossdhier.fr



    et M.Moncler (course de motos anciennes)