Daniel Péan en pleine attaque lors de sa victoire au Grand Prix de Yougoslavie !
Dans quel état d'esprit étais-tu avant le Grand Prix ?
Figure toi, j'étais décontracté. Je n'aillais pas pour y faire un résultat, j'avais été blessé, j'avais pris énormément de poids et je n'avais repris qu'en mars. J'avais du mal à revenir à mon niveau et à rattraper celui des autres. Tout progressait : les pilotes, le pilotage, la technique, la mécanique. Et pour accumuler, je me re-blesse, au pouce, lors du GP de Belgique. Je m'arrête donc et je reprends fin mai lors d'un cross inter à Querrien. Il y avait une boue pas possible, le roi de la boue, Joël Robert était là et je le bats ! Il y a plein de déclics qui me sont revenus naturellement, je m'entrainais physiquement, tout repartait !
On discute avec mon père : "On pourrait peut-être reprendre au prochain Grand Prix ? La Yougoslavie, ça fait loin, la moto n'est qu'à demi préparée..."
Et finalement, nous y sommes allés ! J'ai fait le voyage avec mon Papa. Nous avons partagé la conduite ensemble. On avait une camionnette Bedford avec des flammes, comme aux US !! Nous ne dormions pas à l'hôtel pour limiter les frais, mais nous n'étions pas bien équipés pour le camping, donc je ne dormais pas très bien ! Nous avions décidé de rentrer en Yougoslavie en passant par l'Autriche. Je me souviens de la route qui était pentue : 14% ! On montait en première et on descendait en première aussi avec le frein moteur pour rouler doucement ! Sur place, nous avions retrouvé mon ami qui était comme mon frère, Michel Ollier et qui avait remplacé Jean-Jacques Bruno blessé.
L'ambiance en Yougoslavie ? Un peu de tourisme ?
On aimait bien ce pays. Comme le Grand Prix avait lieu pas trop loin de la mer Adriatique, on avait prévu avec mon père d'aller faire un tour sur la côte, mais comme il travaillait en France, il fallait rentrer vite et puis nous sommes passés par chez Maico pour prendre des pièces et puis aussi pour être reconnu par l'usine. J'avais toujours une moto peu efficace, donc c'était bien de la regonfler en passant par l'usine ! La Yougoslavie n'était pas aussi fermée que les autres pays du bloc de l'est, même si on restait des heures à la frontière. A l'aller, nous étions donc passés par l'Autriche et nous avions laissé une caution en Schilling pour la moto, donc nous étions obligés de repasser par le même poste frontière.
Le circuit ?
Je n'étais jamais venu auparavant sur ce circuit. J'avais lu des articles et Joël Robert m'en avait parlé. C'était un circuit technique, selon lui cela pouvait être un circuit avantageux pour moi. Je me suis tout de suite bien senti sur le circuit. Une piste avec des flip-flap, comme je dis. Des gauches, des droites, des petites bosses, il fallait enchainer pendant 40 minutes. J'étais bien physiquement. En partant devant, je me suis dit que j'aurais une chance.
Daniel à l'aise sur ce circuit.*
Les chronos, les manches
De mémoire, je réalise un bon temps chrono (ndl'a : 7è temps chrono). En première manche je suis parti en tête. Je me suis dit qu'en restant devant le plus longtemps possible, je devrais faire un podium. Je suis resté 20 bonnes minutes en tête puis le Tchèque Antonin Baborovsky m'a dépassé. J'ai réussi à terminer deuxième. De mémoire André Malherbe avait abandonné.
En seconde manche, je dirais que dans une carrière, il y a de la malchance tout comme de la chance, et ça, on la provoque. Je suis parti parmi les premiers, j'étais 5è, puis j'ai perdu 2 places, mais je suis resté 7è, c'était suffisant pour remporter le Grand Prix. Mon père m'a panneauté, je connaissais les secondes qui me séparaient des pilotes devant et derrière moi. Il me notait aussi le temps qu'il restait. C'est bien qu'il y ait une relation entre le coach et le pilote, même s'il y a des moyens modernes de communication. Ca t'encourage de voir quelqu’un qui est toujours avec toi au bord de la piste.
Daniel et son Papa.*
La Marseillaise ?
Une anecdote à ce sujet : l'organisateur n'avait pas notre hymne ! Il a fallu qu'il aille dans la ville la plus proche pour trouver un enregistrement. J'y tenais à cette Marseillaise ! Nous avons attendu 30 minutes ! Finalement, elle arrive et j'ai bien profité du podium !!Le podium avec A.Ovchinikov et A.Baborovsky.**
Des holeshots d'habitude ?
J'étais un très bon partant, même encore maintenant quand je fais des courses de prairie. Je compare les pilotes de cross à des chevaux de course. Il y a des bons partants et des mauvais partants, mais ça s'apprend. Il faut cultiver les réflexes. Aujourd'hui c'est ce que j'enseigne à mes stagiaires. Même lors d'un footing, le départ est hyper important. A l'époque, j'aurais bien aimé qu'il y ait des primes pour les départs, car j'aurais gagné des sous ! En 500, je démarrais en première et je me préparais à passer en deuxième très rapidement. Ca se travaille. Un bon départ, c'est un podium presque assuré.
Le holeshot pour Daniel !*
Des félicitations ?
Les pilotes étrangers m'ont félicité, Hakan Carlqvist notamment. On ne s'attendait pas à ce qu'un Français gagne ! Même si j'avais du métier, les motos d'usine étaient intouchables. Mais une fois rentré en France, je ne me souviens pas avoir reçu beaucoup de félicitations. Les journalistes peuvent vite t'oublier. Quand tu es blessé, on ne parle plus beaucoup de toi, on dit des choses un peu méchantes, on est presque jaloux que tu fasses un super résultat.
Publicité Maico en l'honneur de Daniel.**
Quels bénéfices as-tu tiré de cette victoire ?
Dans l'immédiat, Cela m'a redonné de la confiance, ça m'a remis sur pied. Mais pour le championnat, nous sommes revenus sur de grands circuits et avec une moto pas très au point, je n'ai pas réussi à scorer de gros résultats. Pour marquer des points, il fallait être dans les 10 ! Sur le long terme, j'ai obtenu de bons contrats financiers, publicitaires et équipementiers, mais pas avec Maico. Au final, cela ne m'a pas rapporté autant qu'une victoire au Touquet, mais je suis le premier Français vainqueur d'un Grand Prix !Photos : A.Martinez, * France Moto et * Les cahiers du cross.