Le départ de la finale s’effectue dans une
atmosphère tendue, car c’est maintenant que l’on va passer aux choses
sérieuses. Dès la première seconde, il va s’agir pour chaque nation de se
placer, de définir une course collective propre à déterminer le meilleur
résultat. Les managers ont répété leurs derniers conseils, les tactiques à
suivre et tout le monde est prêt à bondir au feu vert, tout le monde sauf
Tibblin qui est à pied face à tous ses camarades, attendant sa moto qui
n’arrive pas assez vite.
Que va-t-il se passer ? Va-t-on retarder le
départ ? Point du tout : le vert est donné, la ligne d’attaque
s’ébranle et notre Gérard Ledormeur, suivant le mouvement manque proprement de
culbuter le «piéton» suédois, à qui tout de même ses mécaniciens
amènent sa monture.
Voici Tibblin lancé avec
la troupe des 22 autres concurrents, Tibblin déchaîné, extraordinaire, qui
rejoint en un rien de temps un nombre incalculable de pilotes. Il entreprend une
remontée phénoménale passant au huitième rang dès la fin du premier tour !
En tête, Bill Nilsson, qui «à cravache»
de tout son cœur. Ensuite Curtis, Johansson, Smith. Un peu après Burton,
Andersen, Archer. Encore plus loin, derrière Tibblin, Thevenaz, Vanham, Baeke,
Ledormeur, Courajod, Klym, Lundell, Hazianis, Von Arx, Rasmussen, Beaumard, et
déjà très distancés Rapin, Vanderbecken, Lynegaard.
Donc au début, l’Angleterre mène d’un point devant
la Suède, puisque le classement doit s’établir pour chaque pays sur les trois
premiers hommes classés. Bien renseignés les Anglais s’efforcent de consolider
leur avantage, Archer passant le Danois Andersen. Pour le reste, c’est la
Suisse qui est troisième, devant la Belgique et la France ensemble et le
Danemark en dernier.
Si l’Angleterre s’efforce d’augmenter son avance,
la Suède s’emploie ferme à réduire son retard. Tibblin gagne deux places, au
détriment d’Andersen et Archer. Et dès le cinquième tour, les Nordiques ont
repris l’avantage, par trois points, Lundell arrivant lui-même à la rescousse,
pour pallier tout incident pouvant survenir à l’un ou l’autre du trio
Nilsson-Johansson-Tibblin qui mène la danse. Les Anglais ont eux aussi protégé
leurs arrières, Curtis, Smith et Burton ayant Archer immédiatement derrière
eux. Et voilà que le numéro deux suédois, le grand Johansson ne repasse
pas ! Immédiatement la situation change. Les britanniques reprennent le
dessus avec Smith devenu second, Curtis à la troisième place et Burton bien
accroché à la cinquième, soit dix points, tandis que les Suédois jouent
maintenant avec Nilsson, premier, Tibblin entre-temps passé quatrième et, par
bonheur pour eux, Lundell remonté au sixième rang, soit onze points. Après un
tiers de course, le leadership a changé trois fois !
Il y a énormément de pilotes doublés et il devient
très difficile de savoir où en sont les autres nations. Mais nos quatre homme
sont toujours là , marchant le plus vite qu’ils peuvent sans rien risquer car
telle est leur consigne : tenir, durer en laissant l’adversaire s’exposer
à la casse et aux chutes. Effectivement le Danemark est déjà écarté, Lynegaard
ayant disparu. Les Suisses perdent du terrain et les Belges qui nous avaient
lâchés sur une belle remontée de Vanderbcken, voient leur chance s’envoler avec
l’arrêt définitif de leur champion un peu plus tard. En effet Baeten a été
écarté dès le premier tour et à présent, il n’y a plus pour la Belgique que le
petit Baeke qui tourne pour la gloire, Teuwissen étant lui aussi éliminé !
Autrement dit, la sage tactique de Seery devient payante et l’espoir monte en
nous qui, groupés autour de Georges Schmid, suivons le pointage des passages.
A la mi-course et bien que Tibblin ait encore gagné
une place, tournant désormais en troisième position derrière Nilsson et Smith,
l’écart est toujours d’un seul point en faveur de la Suède car Curtis demeure
quatrième et Burton n’a pas laissé passer Lundell. Un attroupement nous conduit à aller voir ce qui se passe à l’entrée de la ligne droite et cela nous donne
un coup au cœur : Hazianis est ramené à l’infirmerie, s’étant enfoncé dans
la cuisse la poignée de frein !
Nous avons bien sûr encore trois hommes et Bertrand
qui aide à la signalisation leur adresse des indications optimistes par rapport à la réalité, afin de les stimuler. La fatigue, la chaleur se font sentir.
Beaumard s’arrête pour boire et est vigoureusement remis en piste par ledit
Bertrand. Nos émotions se renouvellent : voici qu’un affreux bruit, au
passage de Klym, dénote une boîte de vitesse dont les pignons perdent
progressivement leurs dents ! Et pourtant, il faut tenir, la troisième
place derrière Suédois et Anglais étant maintenant à notre portée.
Les Belges, les Danois ne sont plus «dans le
coup» et les Suisses, si bien partis, si courageux, sont tellement loin
qu’il ne leur sera pas possible de terminer tous trois dans les délais, après
le retrait d’Albert Courajod.
Suédois et Anglais continuent leur ballet. Ove
Lundell devient cinquième du fait de la panne qui oblige Burton à s’arrêter.
Trois hommes restent dans chaque équipe et il suffirait d’un accident pour
faire que l’une ou l’autre équipe perde toute chance au classement. Tout de
même, il y a une justice sportive : le cadre de Nilsson brisé en haut et
en bas de la colonne de direction, tient juste ce qu’il faut pour lui permettre
d’enlever en grand champion cette course sans rivale quant à la dureté. Et
comme Tibblin et Lundell demeurent eux aussi à leurs positions respectives,
c’est la Suède qui reprend cette année le Trophée Chamberlain, avec
4’03 ‘’09 d’avance sur le trio d’anglais Smith, Curtis et Archer.
L'Equipe suédoise sur le plus haute marche du podium
Seule la France a une chance d’être classée à la
suite de ces deux «grands» mais pour cela, il faut qu’après
Ledormeur, magnifiquementclassé
derrière Archer aux résultats individuels, Robert Klym et Beaumard en
terminent.
Avec anxiété, nous guettons l’entrée de la ligne
droite. Voici Beaumard, voici Robert Klym qui doivent encore effectuer un tour.
Pour le premier nommé, cela doit aller, mais l’Orléanais – qui accomplit depuis
un moment le prodige de rouler sur la seule quatrième vitesse ! – nous
donne à entendre au passage ce qu’il pense de nous ! Et les secondes
s’écoulent, interminables. Une chute, le moindre incident propre à faire caler
le moteur dans ces deux derniers kilomètres et c’en est fait de notre classement !
Autant dire que tout tient à l’art de notre champion en matière de pilotage, à son doigté sur l’embrayage de sa vaillante BSA. Mais là aussi, il y a une
justice : Robert réapparait, passe la ligne. Nous sommes troisièmes dans
le plus dur des Motocross des Nations courus depuiscinq ans !
Suprême hommage, lors de la remise des prix, pour
la première fois, les Suédois, les Britanniques et d’autres coureurs se
saisirent de nos hommes et tour à tour les lancèrent en l’air ! Bien sûr,
voir Marcel Seery monter jambes vers le plafond de la salle valait son pesant
d’or !
Bill Nillson vainqueur de la finale
Voici
le classement de la Finale :
1)Bill Nilsson en 63’53’’
2)Jeff Smith
3) Rolf Tibblin
4) Dave Curtis
5) Ove Lundell
6)Mogens Rasmussen
7) Leslie Archer
8) Gérard Ledormeur
9) Robert Klym
10) Alfred Von Arx
11) Jacob Lynegaard
12) Florian Thévenaz
13) Maurice Beaumard
14) Pierre-André Rapin
15) Palle Andersen
Et
le classement du Motocross des Nations :
1)Suède en 196’41’’
2)Angleterre en 200’25’’
3) France
Classement
officieux car les nations n’ont pas eu leurs trois pilotes dans les temps
4) Danemark
5) Suisse
6) Belgique
7) Hollande
Photos et source : Moto revue n°1556